Meiko,
Taneda, Katô et Yamada, quatre amis qui se sont rencontrés sur les
bancs de la fac de Tokyo, se retrouvent à vingt-cinq ans coincés
entre leurs idéaux et la nécessité de survivre dans la plus grande
ville du Japon. En deux tomes, Solanin est un manga bien ancré dans
la réalité des grandes agglomérations urbaines et interpelle le
lecteur sur la difficulté de donner un sens à sa vie en ce début
de XXIeme siècle.
Spécialiste
des mangas urbains, Inio Asano a articulé l'histoire de Solanin
autour des débuts dans le monde du travail des jeunes
diplômés à Tokyo. Après avoir fini ses études, Meiko devient une OL (Office Lady), comme beaucoup d'autres
Japonaises. Un
travail dans lequel elle ne trouve aucun intérêt (elle se fait
rappeler à l'ordre quand elle n'attache pas bien les documents avec
deux agrafes en haut à droite) mais qui lui permet d'être
indépendante à Tokyo et notamment d'héberger son petit ami, Taneda. En effet, ce dernier a moins de
chance qu'elle et ne peut pas se loger car il est "freeter"
dans l'illustration pour des magazines. Il n'a pas vraiment de
contrat de travail, il bosse au jour le jour: à Tokyo on appelle ce
genre de job un baito (1). Yamada quant à lui va hériter de
la pharmacie de son père. Il n’aime pas particulièrement le
commerce et le doute s'installe peu à peu en lui. Sans petite amie,
il se laisse vivre et a du mal à se projeter dans l'avenir. Enfin Katô, le bon pote rondouillard,
redouble ses dernières années d'études, repoussant un peu plus
chaque fois l'échéance douloureuse de la recherche d'emploi.
Les
quatre protagonistes sont liés par le fait qu'ils appartenaient au
même groupe de musique durant leurs études. Si Meiko a laissé
tomber depuis, les trois garçons continuent de se revoir toutes les
semaines pour jouer. Ces séances sont l'occasion de se retrouver
après entre tous et de refaire le monde.
Un
jour Meiko décide de donner sa démission. Possédant quelques
économies, elle veut se donner la chance de pouvoir prendre du
recul. Même si Taneda l'a encouragée au début, un malaise
s'installe. Motivée les premiers jours, elle se retrouve vite à
errer dans les rues de Tokyo sans but ou à jouer à des jeux vidéos
des heures d'affilée. L'annonce de cette nouvelle à sa mère, qui
vit en province, couplée à la découverte par cette dernière du
fait que Meiko vit en couple, est une épreuve supplémentaire à
affronter. Interpelés
par la situation de Meiko, tous ses amis s'interrogent peu à peu sur
le but de leur existence et le moyen de sortir d'une situation
pourtant inextricable: avec le peu d'opportunités qui s'offrent à
nous, peut-on réellement trouver un travail et un mode de vie qui
nous correspondent vraiment aujourd'hui?
Taneda
prend aussi conscience qu'il se reposait jusqu'alors beaucoup sur
Meiko: il ne déteste pas tant que ça les baitos, qui sont un moyen
de fuir la réalité du quotidien (sans emploi fixe, il vit au jour le jour et n'a
pas de loyer à payer ni d'échéances à boucler). Un conflit
inattendu va surgir alors entre Meiko et Taneda... mais je ne vous en
dirais pas plus sans trop déflorer l'intérêt du livre.
Sans
donner de solution miracle à un problème qui est désormais celui
des sociétés modernes du XXIème siècle (on a fait des études
pour pouvoir mieux se battre dans un marché de l'emploi
désespérément vide), Inio Asano aborde en
finesse des sujets universels tels que le fait de décider de se
mettre en ménage, le choix de changer de métier, les relations
mère-fille ou encore réaliser un rêve de jeunesse.
Possédant une forte dimension tragique
mais sans être pleunichard, Solanin est un très
beau roman graphique qui a été adapté en film en 2010.
Si
la complexité du monde du travail à Tokyo vous intéresse, je vous
conseille l'excellente série de reportages en 4 épisodes diffusée
par Arte en 2011:
(1)baito, abréviation
de arubaito, désigne un travail d'appoint ou la
personne qui le fait. (retour au texte)
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