jeudi 26 septembre 2013

Solanin


Meiko, Taneda, Katô et Yamada, quatre amis qui se sont rencontrés sur les bancs de la fac de Tokyo, se retrouvent à vingt-cinq ans coincés entre leurs idéaux et la nécessité de survivre dans la plus grande ville du Japon. En deux tomes, Solanin est un manga bien ancré dans la réalité des grandes agglomérations urbaines et interpelle le lecteur sur la difficulté de donner un sens à sa vie en ce début de XXIeme siècle.

Spécialiste des mangas urbains, Inio Asano a articulé l'histoire de Solanin autour des débuts dans le monde du travail des jeunes diplômés à Tokyo. Après avoir fini ses études, Meiko devient une OL (Office Lady), comme beaucoup d'autres Japonaises. Un travail dans lequel elle ne trouve aucun intérêt (elle se fait rappeler à l'ordre quand elle n'attache pas bien les documents avec deux agrafes en haut à droite) mais qui lui permet d'être indépendante à Tokyo et notamment d'héberger son petit ami, Taneda. En effet, ce dernier a moins de chance qu'elle et ne peut pas se loger car il est "freeter" dans l'illustration pour des magazines. Il n'a pas vraiment de contrat de travail, il bosse au jour le jour: à Tokyo on appelle ce genre de job un baito (1). Yamada quant à lui va hériter de la pharmacie de son père. Il n’aime pas particulièrement le commerce et le doute s'installe peu à peu en lui. Sans petite amie, il se laisse vivre et a du mal à se projeter dans l'avenir. Enfin Katô, le bon pote rondouillard, redouble ses dernières années d'études, repoussant un peu plus chaque fois l'échéance douloureuse de la recherche d'emploi.
Les quatre protagonistes sont liés par le fait qu'ils appartenaient au même groupe de musique durant leurs études. Si Meiko a laissé tomber depuis, les trois garçons continuent de se revoir toutes les semaines pour jouer. Ces séances sont l'occasion de se retrouver après entre tous et de refaire le monde.

Un jour Meiko décide de donner sa démission. Possédant quelques économies, elle veut se donner la chance de pouvoir prendre du recul. Même si Taneda l'a encouragée au début, un malaise s'installe. Motivée les premiers jours, elle se retrouve vite à errer dans les rues de Tokyo sans but ou à jouer à des jeux vidéos des heures d'affilée. L'annonce de cette nouvelle à sa mère, qui vit en province, couplée à la découverte par cette dernière du fait que Meiko vit en couple, est une épreuve supplémentaire à affronter. Interpelés par la situation de Meiko, tous ses amis s'interrogent peu à peu sur le but de leur existence et le moyen de sortir d'une situation pourtant inextricable: avec le peu d'opportunités qui s'offrent à nous, peut-on réellement trouver un travail et un mode de vie qui nous correspondent vraiment aujourd'hui? 
 Taneda prend aussi conscience qu'il se reposait jusqu'alors beaucoup sur Meiko: il ne déteste pas tant que ça les baitos, qui sont un moyen de fuir la réalité du quotidien (sans emploi fixe, il vit au jour le jour et n'a pas de loyer à payer ni d'échéances à boucler). Un conflit inattendu va surgir alors entre Meiko et Taneda... mais je ne vous en dirais pas plus sans trop déflorer l'intérêt du livre.

Sans donner de solution miracle à un problème qui est désormais celui des sociétés modernes du XXIème siècle (on a fait des études pour pouvoir mieux se battre dans un marché de l'emploi désespérément vide), Inio Asano aborde en finesse des sujets universels tels que le fait de décider de se mettre en ménage, le choix de changer de métier, les relations mère-fille ou encore réaliser un rêve de jeunesse.

Possédant une forte dimension tragique mais sans être pleunichard, Solanin est un très beau roman graphique qui a été adapté en film en 2010.


Si la complexité du monde du travail à Tokyo vous intéresse, je vous conseille l'excellente série de reportages en 4 épisodes diffusée par Arte en 2011:

(1)baito, abréviation de arubaito, désigne un travail d'appoint ou la personne qui le fait. (retour au texte)

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